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jeudi 17 mars 2011

Dossier: L'Interview de SM le Roi par un quotidien japonais



Texte intégral de l'Interview de SM le Roi au quotidien économique japonaisNihon Kezaï Shimbun

Tokyo - 25/11/2005


Question : 
Quelle évaluation peut-être faite des relations entre le Maroc et le Japon, 50 ans après l'établissement des relations diplomatiques entre les deux pays ?

Réponse de SM le Roi : 

Permettez-moi tout d'abord de me réjouir du fait que ma visite coïncide avec la commémoration du cinquantième anniversaire de l'indépendance du Maroc. C'est aussi l'âge, comme vous le relevez, de nos relations diplomatiques. Ce qui nous unit ne se limite pas à l'échange d'ambassadeurs il y a 50 ans.

Les traditions millénaires de nos deux pays donnent à nos relations une profondeur historique unique sur la scène internationale. Nous avons, chacun de son côté, cultivé notre héritage civilisationnel, avec la même ambition de nous ouvrir sur le reste du monde.

Nos préoccupations étaient les mêmes. Par exemple, au 19e siècle mon ancêtre Moulay Hassan I-er, conscient des enjeux de la révolution industrielle, avait envoyé plusieurs délégations pour une formation en Europe aux nouveaux concepts de production de l'époque.

Au même moment, l'Empereur Meiji initiait la même démarche, animé de la même volonté. Voyez-vous, malgré l'éloignement géographique, nous partageons les mêmes ambitions pour nos deux pays, les mêmes valeurs aussi de dialogue, de modération et d'ouverture, sans jamais nous départir de ce qui fait notre identité propre.

Je crois que ces points communs, dans un monde aussi tourmenté que celui dans lequel nous vivons aujourd'hui, sont autrement plus importants que tous les indicateurs à travers lesquels on évalue habituellement l'état des relations entre deux Etats. Ceci étant dit, les chiffres sont plutôt encourageants dans différents domaines.

Le Japon occupe la seconde place en tant que pourvoyeur d'aide publique au développement au Maroc et la 7éme parmi les créanciers bilatéraux. Sur le plan politique, J'apprécie que nous puissions avoir la même position sur les grandes questions qui préoccupent le monde comme la lutte contre la pauvreté, le dialogue nord-sud, le processus de paix au Proche Orient ou le terrorisme.

Question :

Quel objectif s'est assigné Votre Majesté pour sa visite au Japon, pays dans lequel vous vous êtes rendu à deux reprises lorsque vous étiez Prince Héritier ?

Réponse de SM le Roi :

Je m'y rends aujourd'hui avec toujours autant de plaisir et d'intérêt pour le dynamisme exceptionnel de l'économie de votre pays. Ce dynamisme conjugué à nos ambitions et aux potentialités multiples offertes par le Maroc, sont à même d'élever nos relations économiques et commerciales à un niveau unique dans la région.

Aussi, nous encourageons les investisseurs nippons à renforcer leur présence au Maroc d'autant qu'il existe un cadre de coopération qui présente de nombreux avantages. Evidemment, il peut-être revu, amélioré en permanence au gré des contacts bilatéraux de haut niveau que Je souhaite voir se multiplier à l'avenir.

Sur le plan politique, nous allons tout naturellement nous concerter sur différentes questions qui nous préoccupent. A ce sujet, nous souhaitons voir le Japon jouer un rôle plus important au sein des instances onusiennes. La gravité des événements en Irak où doit prévaloir la souveraineté et l'unité du pays nous interpelle tous et le processus de transition doit y être accéléré.

Evidemment, nous évoquerons les derniers développements de la situation au Maghreb, en Afrique et en Méditerranée. Le Proche orient et l'injustice vécue quotidiennement par nos frères palestiniens demeurent également à l'ordre du jour.

Question : 

Justement Majesté, le Maroc a été et reste un acteur majeur du processus de paix entre Palestiniens et Israéliens. Quelles sont aujourd'hui les conditions d'une accélération de ce processus et de son aboutissement à court terme ?

Réponse de SM le Roi : 

Il y a évidemment plusieurs conditions mais Je crois qu'elles ne peuvent porter leurs fruits que si la sagesse et la modération, qui ont cédé la place à une très grande radicalisation des réactions et des positions, reprennent le dessus.

Je pense qu'aujourd'hui, après une période où le dialogue était pratiquement rompu entre les différentes parties, nous assistons à une dynamique nouvelle, un nouvel état d'esprit, fragiles certes, mais qui doivent être encouragés.

Lorsque J'ai personnellement adressé des lettres aux présidents palestinien, israélien et américain pour les féliciter des efforts qui ont permis le retrait israélien de la bande de Gaza, étape importante de la réactivation de la feuille de route, J'entendais justement signifier Mon soutien à cette dynamique. Maintenant que le retrait a été réalisé, il s'agit de résoudre les questions en suspens qui feront de l'après retrait un succès.

Il y a notamment la liberté de mouvement des Palestiniens, l'amélioration de la situation économique de la vie quotidienne des Palestiniens qui vivent, dans leur grande majorité, dans des conditions précaires. La communauté internationale doit redoubler d'efforts pour consolider cet acquis, l'objectif, ne l'oublions pas, étant l'établissement d'un Etat palestinien souverain, indépendant, viable et démocratique vivant dans la paix et en bonne intelligence avec Israël. Pour ma part, J'y mettrais toute ma détermination.

Question : 

Le terrorisme menace la sécurité dans le monde. Comment est-ce que le Maroc y fait face et quelle est la situation spécifique au Maroc à cet égard ?

Réponse de SM le Roi : 

Vous savez à quel point les Marocains sont directement concernés par cette question. Nous avons été victimes, touchés dans notre chair, par la barbarie des terroristes lors d'attentats qui nous ont endeuillés le 16 mai 2003 à Casablanca.

Je vous le rappelle aussi que deux de nos concitoyens, innocents, ont été enlevés le 20 octobre dernier en Irak. Le Maroc a toujours condamné avec la plus grande fermeté le terrorisme quelles qu'en soient les motivations.

D'ailleurs, aucune justification ne peut-être tolérée face à la violence aveugle. L'invocation de la religion par certains groupuscules terroristes pour perpétrer de tels actes de violence doit être combattue justement pour protéger l'un des messages essentiels de l'Islam qu'est la tolérance et l'acceptation de l'autre.

Notre identité arabo-berbéro-musulmane a fait de nous un peuple exceptionnellement ouvert, fier de sa culture et de ses traditions.

Nous revendiquons cette identité et à chaque fois que nous avons été touchés comme nous le sommes encore aujourd'hui avec ces deux enlèvements en Irak, les Marocains sont descendus par centaines de milliers dans les rues pour réaffirmer cette fierté et leur condamnation du terrorisme.

Je crois que le meilleur rempart contre le terrorisme est notre capacité à nous mobiliser à chaque fois que nos valeurs nous semblent en danger de façon évidemment tout à fait pacifique en respectant les valeurs démocratiques auxquelles le Maroc est très attaché. L'autre rempart, c'est un développement économique et une cohésion sociale suffisamment dynamiques pour réduire les poches d'exclusion et de marginalisation.

C'est aussi les réformes du champs éducatif et du champs religieux que nous avons accélérées et qui donnent aujourd'hui de très bons résultats. Enfin, je dirai que les valeurs qui sont les nôtres et notre détermination, quelle que soit la douleur ou la brutalité des événements, sont nos meilleures armes contre les extrémismes.

Question : 

Comme vous avez commencé à l'aborder Majesté, le Maroc a entrepris de vastes réformes aux plans politique, économique et social. En cette fin d'année 2005, quel regard votre Majesté porte sur les résultats obtenus et quels développements nouveaux faut-il en attendre pour le futur ?

Réponse de SM le Roi : 

Vous savez, lorsque Je suis monté sur le trône, toutes les questions étaient pour moi prioritaires. Mon père SM Hassan II, que Dieu l'ait en sa sainte miséricorde, a ouvert une grande partie des chantiers du Maroc indépendant et moderne. Lorsque Je vois le travail considérable qu'il a mené, J'éprouve beaucoup d'admiration et une immense fierté comme tous les Marocains, Je lui rends hommage.

Je travaille non seulement à la consolidation des dossiers qu'il a ouverts comme celui du respect des droits de l'homme avec notamment la création de l'Instance Equité et Réconciliation pour tourner définitivement la page sur les violations commises par le passé, mais aussi à la concrétisation rapide de nouveaux chantiers ouverts ces dernières années : alphabétisation, réforme du champs religieux, assurance maladie obligatoire, réforme de la justice, scolarisation des petites filles, création de l'institut royal pour la culture Amazigh, sans parler de tous ces grands projets structurants comme le port de Tanger-Med ou celui du Bouregreg à Rabat, où encore les grandes zones touristiques qui vont créer des centaines de milliers d'emplois.

Il y a la réforme de la "Moudawana", le code de la famille. C'est une réforme à laquelle Je suis très attaché car elle fait aujourd'hui des Marocaines, des citoyennes à part entière. Toutes les composantes de la société marocaine l'ont favorablement accueillie. C'est justice rendue aux femmes que de l'avoir entreprise et J'avoue que c'est pour moi une grande source de satisfaction.

Plus récemment, nous avons lancé l'"Initiative nationale pour le développement humain". Il s'agit d'un vaste programme destiné à donner un coup d'accélérateur au développement socio-économique en favorisant notamment la réinsertion dans le tissu productif des franges de la population les plus marginalisées.

C'est une réponse réelle, concrète à une problématique au c ur des préoccupations internationales. De ce fait, l'intérêt manifesté par nos différents partenaires étrangers est important, d'autant que le modèle qui est le nôtre tient compte de nos spécificités et de nos moyens. C'est une réforme ambitieuse et bien sûr, Je la présenterai à mes interlocuteurs au Japon.

D'ailleurs, ils n'ont jamais manqué d'être présents aux côtés du Royaume pour l'accompagner dans son développement et je les en remercie. Bien sûr, il y a encore tant de choses à réaliser mais Je crois que grâce à nos convictions, la mobilisation de mon gouvernement, de toutes les institutions, de la société civile, très dynamique dans tous les domaines, les Marocains ont raison d'être optimistes et cela en dépit des difficultés.

Question : 

L’intégration maghrébine est en sommeil. Quelles sont les perspectives de relance de ce processus du point de vue du Maroc ?

Réponse de SM le Roi : 

Le Maroc est le premier à regretter cet état de fait et notre frustration est d'autant plus grande que le traité instituant l'Union du Maghreb Arabe a été signé chez-nous, à Marrakech, en 1989.

Ayant été moi-même témoin, aux côtés de mon regretté père, de l'acte de naissance de l'UMA, Je me rappelle encore l'immense espoir que cette signature avait suscité chez les cinq peuples de la région qui sont unis par une profonde communauté d'histoire, de religion, de langue et de destin et qui, ensemble, constituent un potentiel économique important qui devrait nous permettre de mieux faire face à la mondialisation et de nous positionner en partenaire fort et crédible vis-à-vis des autres ensembles régionaux telle que l'Union européenne.

Malheureusement, le processus de construction maghrébine est toujours hypothéqué notamment par le différend sur le Sahara qui continue de nous opposer à nos voisins algériens et qui est, en réalité, une survivance de la guerre froide et de la rivalité qui opposaient les deux anciens blocs.

Nous demeurons attachés à l'UMA et le Maroc qui a toujours exprimé sa disponibilité au dialogue dans le cadre des Nations unies, est pour une solution politique de ce différend sous la forme d'un statut d'autonomie définitif qui respecte sa souveraineté et son intégrité territoriale.

J'espère que l'Algérie intégrera cette dynamique de paix afin de relancer l'édification maghrébine sur des bases saines et claires.


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