Sont loyalistes, ceux qui témoignent de la loyauté à leurs souverains ou aux régimes et aux institutions établis en leur restant fidèles face à la rébellion.

Citation du jour

Citation du jour : "Quiconque nie l'autorité et le combat est anarchiste." [Sébastien Faure]

Bon mois de Ramadan

Bon mois de Ramadan

jeudi 14 avril 2011

Contre l'ingérence françaises en Afrique


Les frappes françaises du 4 avril à Abidjan démontrent plus que jamais quelle option a choisi la France dans sa politique étrangère en Afrique. En détruisant aujourd’hui ce qu’il a « aidé » à construire hier sous le règne d’Houphouët Boigny à coup de prêt à taux préférentiels et d’aide liée, le gouvernement français confirme aux yeux du monde son image de force impérialiste en Afrique au service du capital international.

Après avoir poussé la communauté internationale à intervenir contre le régime Khadafi, anciennement ami de Mr Sarkozy et entraîné la Lybie vers une guerre civile déstabilisante pour tout le Maghreb, la France, par cette dernière action plonge toute la nation ivoirienne vers le déchirement et renforce un peu plus le sentiment francophobe dans ce pays autrefois considéré comme un miracle économique du système libéral.

Le miracle ivoirien est bien loin et tout sera à reconstruire au sortir de cette guerre civile dont les plus grands vainqueurs seront les entreprises françaises, qui seront rappelées par leur ami Allassane Ouattara pour la reconstruction du pays. Et ce alors que depuis dix ans, ils ont aidé à le détruire, en finançant chacun des camps en conflit. L’histoire de la Côte d’Ivoire ces dix dernières années a été construite par des acteurs politiques véreux contre un peuple et son développement. Ce peuple meurtri dans son identité est entrain de vivre les moments les plus troubles de son existence après cinquante années « d’indépendance ».

En effet, traumatisée par un coup d’Etat militaire en décembre 1999, elle n’a pu se remettre d’une élection en 2000 qui, de mémoire, était tout aussi calamiteuse. Celle-ci ayant été animée par la rhétorique xénophobe issue d’un concept tant abject que trivial, résumé par le vocable « ivoirité ».

La suite, nous la connaissons : une rébellion qui va éclater le 19 septembre 2002, coupant le pays en deux. Après plusieurs accords politiques, une gestion collégiale du pouvoir intervient entre les deux parties ennemies. Le dernier des accords fut l’accord politique de Ouagadougou (APO), décidant de la tenue d’une élection présidentielle avec un code électoral spécial et de la mise sur pied d’une commission électorale particulière. Présentée comme l’issue finale après dix ans de conflit, dont les conséquences en vies humaines restent incalculables, cette élection voit sombrer définitivement un peuple autrefois envié de toute l’Afrique.

Des milliers de mort-e-s, de disparu-e-s et de réfugié-e-s pour en arriver à un coup de force impérialiste de la France et de l’ONU sans que l’Afrique ait son mot à dire.

En solidarité avec les peuples meurtris par les agressions, les réseaux CADTM Afrique et ATTAC Afrique appellent à une mobilisation des peuples contre les visées impérialistes du capitalisme néolibéral mondialisé en Côte d’ivoire, tout comme en Libye, et contre les interventions militaires françaises répétées en Afrique. Les réseaux ATTAC Afrique et CADTM Afrique exigent de la France le démantèlement de ses bases militaires en Afrique, par le biais desquelles elle continue sa politique néocoloniale sur le continent.

Source : CADTM

Les liens familiaux de Ouattara avec les grands spéculateurs du cacao


Visage rond, chemises roses, yeux bleus, Anthony Ward, 51 ans, grand amateur des pistes de ski alpines, est considéré comme l’un des meilleurs traders de sa génération.


Au début des années 2000, alors que tous les analystes se montrent optimistes sur l’avenir de la Côted’Ivoire après l’accession de Laurent Gbagbo au pouvoir, le fondateur de la société londonienneArmarajo est persuadé que le marché du cacao va se trouver en déficit…et se met à stocker dans des entrepôts européens des dizaines de milliers de tonnes de fèves. Deux ans plus tard, une rébellion éclate. Ward a 400 000 tonnes de cacao entre les mains. Il ne reste qu’à attendre le moment où les cours seront élevés pour les revendre et empocher un bonus considérable. Acquérant ainsi son surnom de « chocolate fingers ».

Huit ans plus tard, rebelote. Anthony Ward renouvelle son exploit. Quatre mois avant les élections ivoiriennes de 2010, tablant sur les difficultés politiques futures du pays, il achète d’un seul coup 240000 tonnes de cacao qu’il revendra... la semaine dernière… juste avant l’offensive des forces rebelles du candidat malheureux à la présidentielle Alassane Ouattara contre le président Laurent Gbagbo.Le prix du cacao venait d’atteindre son plus haut sommet depuis 32 ans.

De quelle bonne fée dispose donc ce fils de militaire sans diplôme, converti dans le négoce international pour prévoir avec autant de justesse les évènements politiques en Côte d’Ivoire ?

Détail, son beau-père n’est autre qu’un certain... Ouattara, champion de la communauté euro-nord américaine ! Celui-là même qui a déclenché les deux guerres sans lesquelles le prix du cacao n’aurait aussi augmenté. Curieusement, on retrouve un autre proche du président de la communauté internationale à la tête de la direction Afrique d’Armajaro, un certain Loïc Folloroux, le fils de Dominique Nouvian, la deuxième épouse de…Ouattara ! Le monde est petit !

ONU et France : échec des « médiateurs » en Côte d’Ivoire


Survie condamne fermement les agissements belliqueux dont l’ONU et les autorités françaises font preuve en Côte d’Ivoire et rappelle les manquements des prétendus « médiateurs » du conflit, qui ont laissé prévaloir le règne de la violence et de l’impunité.

La France et l’ONU ont finalement décidé d’intervenir directement dans le conflit ivoirien. Le scénario qui se joue en Côte d’Ivoire est un des pires qui pouvait avoir lieu. Il n’est pas possible de croire à cette heure que cette intervention armée onusienne et française, dont le seul but sera de remplacer un président contesté par un autre légitimé dans le sang, résoudra durablement la crise ivoirienne. Tous les protagonistes de cette crise, à commencer par les clans politiques et militaires qui s’affrontent depuis 10 ans pour le pouvoir sont responsables de cet enlisement et de la dérive criminelle qui s’accentue aujourd’hui. Mais les prétendus « médiateurs » du conflit ne sont pas en reste.

Les graves manquements de l’ONU

Le mandat de « protection des civils ivoiriens » et d’ « interdiction des armes lourdes » brandi avec opportunisme par l’ONUCI pour intervenir militairement à Abidjan ne peut faire oublier les graves manquements dont ces mêmes forces ont fait preuve, incapables de prévenir ou d’arrêter les massacres perpétrés à Abidjan, dans l’ouest de la Côte d’Ivoire et ailleurs, particulièrement à Duékoué. Dans la période précédente, l’ONU avait déjà renoncé à accompagner à son terme le processus de désarmement, démobilisation et réinsertion, pourtant préalable aux élections et condition de leur certification, comme convenu dans les accords de Ouagadougou. Alors que le pays subissait encore les exactions de milices et forces armées (« loyalistes » ou « rebelles ») incontrôlées, le point focal de l’activisme diplomatique multilatéral a été l’organisation de l’élection présidentielle.

La partialité et l’ingérence de la diplomatie et de l’armée française

Dans une continuité historique marquée par une ingérence persistante et la volonté de conserver son d’influence militaire, économique et monétaire, la diplomatie française fait preuve depuis de nombreuses années d’une attitude partiale, voire partisane dans la crise ivoirienne, qui s’est renforcée à l’issue de l’élection présidentielle et de la contestation de ses résultats. Cette attitude est aujourd’hui particulièrement lourde de conséquences dans la mesure où il ne s’agit plus d’un positionnement sur un contentieux électoral mais bien d’une implication directe dans un conflit armé. Les militaires français de la force Licorne étaient les plus mal placés pour une action de maintien de la paix, au vu notamment des événements de 2004, où ils avaient ouvert le feu sur la foule devant l’Hôtel Ivoire.
Aujourd’hui, ce sont ces soldats qui, sous le paravent d’une légitimité onusienne très discutable et toujours sous commandement opérationnel français, contribuent à imposer par les armes à un pays déchiré son nouveau président. Les bombardements du palais présidentiel et de la Radio Télévision Ivoirienne par les hélicoptères français, outre leur côté particulièrement symbolique, outrepassent le mandat onusien. Cette intervention brutale illustre par ailleurs une fois de plus la toute puissance du pouvoir exécutif français dans le déclenchement d’une opération militaire si lourde de conséquences, en l’absence de tout contrôle parlementaire.

Une impunité toujours de mise

Quel que soit le résultat des urnes, Alassane Ouattara ne tire aujourd’hui sa légitimité que des armes, celles des rebelles et celles de l’ONU et de la France. Dès lors, il est difficile d’imaginer une issue pacifique à la situation actuelle. Ajoutons que l’unanimité, en France, pour dénoncer, avec raison, les crimes commis par les forces de Laurent Gbagbo, s’est accompagnée d’un aveuglement sur ceux, tout aussi graves, commis par le camp d’Alassane Ouattara. Il faudra pourtant en passer par la fin de l’impunité des uns et des autres qui règne depuis dix ans. Il est impératif que la Cour Pénale Internationale (CPI) s’empare de manière impartiale et complète de l’ensemble des crimes qui ont été commis en Côte d’Ivoire, comme cette cour le souhaite elle-même. Un processus de Vérité, Justice et Réconciliation doit dans le même temps être mis en œuvre en Côte d’Ivoire, comme le demande la Convention de la Société Civile Ivoirienne (CSCI).

Des acteurs de la société civile trop souvent écartés

Enfin, les deux camps qui s’affrontent aujourd’hui, en plus des aspects criminels, ont pour point commun d’avoir systématiquement écarté les acteurs de la société civile du jeu politique. Si la communauté internationale espère être crédible dans sa volonté affichée d’œuvrer pour la paix en Côte d’Ivoire, elle doit imposer la présence de la société civile ivoirienne dans tous les scénarios de transition.
L’association Survie demande :
  • à nouveau le retrait définitif des militaires français de Côte d’Ivoire ;
  • que la lumière soit faite sur l’implication de l’armée française et de l’ONU dans l’avancée vers Abidjan des ex-rebelles (dont certains pourraient s’être rendus coupables de crimes de guerre) ;
  • que le parlement français exerce son contrôle sur l’opération Licorne, conformément aux dispositions prévues par la réforme de la Constitution de juillet 2008, et crée une commission d’enquête parlementaire sur l’ensemble de cette action depuis son déploiement en 2002 ;
  • de conditionner les relations avec le nouveau pouvoir ivoirien à l’obligation de poursuivre les responsables des crimes commis dans l’ouest de la Côte d’Ivoire et de les exclure de tout rôle politique.
Survie demande en outre :
  • la publication du rapport du groupe d’experts de l’ONU chargé de surveiller l’embargo de 2004 sur les armes et diamants, dont celle-ci reste bloquée depuis septembre ;
  • la saisine de la CPI pour l’ensemble des crimes commis en Côte d’Ivoire et la mise en œuvre d’un processus Vérité, Justice et Réconciliation, comme le demande la Convention de la Société Civile Ivoirienne (CSCI).

Source : Survie

Libye, Côte d’Ivoire, Sarkozy : Le « come-back » des neo-colonialiste ?


Les arbres, encore une fois, servent à cacher des forêts. Qui pourra, de bonne foi, ignorer la nature non seulement tyrannique mais même criminelle du régime du Colonel Kadhafi ? Le massacre, en une seule journée, des 1200 détenus dont parle Baudouin Loos dans sa carte blanche de ce 31.03, celles des attentats terroristes contre des passagers innocents de l’aviation civile, les cas des infirmières bulgares et bien d’autres suffisent largement à nous donner le profil de ce tyran, victime, probablement, de perturbations mentales. Mais la question n’est pas là.

 
La question est que des indices graves semblent indiquer que l’on utilise, plus exactement, que l’on ‘rétroactive’ ce CV, pour justifier de toutes pièces une intervention qui a très peu à voir avec les massacres contre des opposants désarmés et d’autres motivations ‘humanitaires’. L’espace de cette chronique m’oblige à ne mentionner, à ce propos, que l’article de Natalie Nougayrède au journal Le Monde du 11.03 disant que « les carnages provoqués par des bombardements aériens n’ont pas, à ce jour, été vérifiés » et aux informations des services de renseignement russes selon lesquels aucun bombardement de populations civiles par l’aviation de Kadhafi n’avait pu être vérifié. Comment par ailleurs expliquer que, dans un monde où le plus petit coin d’une ruelle est sous l’œil des satellites, les services occidentaux, toujours si prêts à susciter nos compassions par une profusion d’images n’en ont produit aucune montrant ces méchants bombardements kadhafistes contre des populations civiles ?

Quant aux motivations humanitaires, toujours aussi compassionnelles, comment ne pas être ébranlé par la révélation du même quotidien français lorsque sa correspondante, Nathalie Guibert nous informe que « les forces interventionnistes ne touchent pas la marine libyenne parce qu’elle sera utile pour faire barrage aux immigrés dans le ‘post-kadhafi’ »  ? (Le Monde, 31.03). Pour ce qui est des opposants désarmés, le doute s’impose lorsqu’on apprend que le 18 mars un avion de chasse abattu à Benghazi et que l’on croyait du dictateur appartenait en réalité aux insurgés. Et que des médias si peu suspects de kadhafisme comme The Telegraph, The Wall Street Journal ou la BBC informaient, des semaines avant la décision du Conseil de sécurité des Nations Unies, que des commandos armées occidentaux se trouvaient déjà en territoire libyen. Plus près de nous, le ‘Canard Enchaîné’, dans un article titré « Fournitures gratuites aux insurgés libyens », informait le 9 mars, (soit 9 jours avant la résolution du Conseil de sécurité autorisant l’usage de la force) que des opérations militaires franco-anglo-américaines se déroulaient déjà sur le terrain. Ce journal récidive trois jours plus tard, en nous apprenant que la DGSE — le service de renseignement et d’action extérieur français — « aurait livré discrètement à Benghazi, dès la mi-mars, quelques canons de 105 mm et des batteries antiaériennes mobiles ».

Comme si toute cette démonstration d’aventurisme de tout genre était insuffisante, voilà que le couple Sarkozy - Ban-ki Moon se lance dans une opération encore plus douteuse dans le contexte des élections en Côte d’Ivoire. Avec un empressement digne des meilleures causes, le second ordonne à son représentant sur place de valider l’élection du candidat Ouattara, ami personnel du premier. C’est ainsi que, dûment entouré par les ambassadeurs de France et des Etats-Unis, ce fonctionnaire décide que Ouattara est le vainqueur malgré de très lourdes et sérieuses contestations. Le Français Alberto Bourgi, professeur du droit public et africaniste reconnu, s’étonnait à la radio française ce vendredi 01.04 de cette curieuse célérité.

Sauf que ce sont toujours des arbres pour cacher la forêt. Encore une fois, le problème semble un peu moins altruiste que le droit humanitaire ou le sacro-saint principe du respect des urnes qui tirent les ficelles de la gestion du dossier ivoirien. Il se fait que le Président Gbagbo avait osé envisager de ne pas limiter aux seuls capitaux occidentaux les perspectives d’investissement dans son pays, mais les ouvrir aussi aux Chinois et aux Indiens. Pire encore, il avait des plans pour faire de la commercialisation du cacao, jusqu’alors dans les mains d’une grosse multinationale, un service public contrôlé par l’Etat, avec la participation des petits producteurs organisés en coopératives. Projets fort gênants parce qu’il se fait qu’un des patrons de cette multinationale, la ‘Armajaro Trading Inc’, Loïc Folleroux, est le propre beau-fils de Ouattara, lequel, en spéculateur habile, venait d’acheter un mois avant les élections 240.000 tonnes de cacao en anticipant une envolée de son cours. Suprême irrévérence, le président Gbagbo se proposait de constituer un système financier essentiellement axé sur une banque publique contrôle par l’Etat. Projet quelque peu détonnant si l’on considère que son rival Ouattara était l’ancien patron du département Afrique du FMI.

Triste scénario de bien douteuse morale. L’Occident se prépare ainsi, au nom des valeurs humanitaires et de liberté qui sont « les siennes », à sacrer le candidat Ouattara dont la Croix Rouge est occupée à découvrir d’importants chantiers semés par ses troupes dans sa route vers Abidjan. Monsieur Sarkozy joue à l’apprenti sorcier en Côte d’Ivoire, deuxième acte d’une partition qui, après la Libye, viserait l’Iran. Délocalisation aidant, les néo-conservateurs ont déménagé vers l’Elysée ? Tout en cherchant à assurer la réélection du patron, seront-ils en train d’explorer les traits d’une folle sortie de crise ?

Abidjan bombardée : la chose est de retour


Abidjan bombardée. Et voilà les oiseaux de la mort de la mission Licorne au dessus de La Riviera, du Plateau, de Yop, de Cocody ; et voilà Abidjan bombardée. Abidjan agressée. Feu sur Abidjan. Et voilà la Côte d’Ivoire et l’Afrique de nouveau offensées par une puissance, par la puissance venue d’ailleurs.

Et Paris qui pavoise « la France est de retour sur la scène géopolitique internationale », « la France est en première ligne », et la presse parisienne qui approuve, qui savoure comme le tortionnaire savourant la douleur de sa victime ; et la presse de France – une certaine presse - qui se dresse la crête levée, excitée ; la presse de France qui bat des ailes, qui s’extasie, qui chante : « La France est en mission de lumières ! En mission de démocratie ; en mission de protéger les populations civiles. Les frappes sont ciblées. Guerre propre. » Un meurtre peut-il être propre ? Depuis quand l'acte de tuer serait-il devenu action propre, humaniste ? 

Guerre propre, guerre propre, on pérore ; guerre propre, bombardement des lieux stratégiques. Et ces hôpitaux soufflés, et ces centres commerciaux anéantis, et ces habitations rasées ? Et ces morts, oui, ces morts, ces centaines de victimes ? Silence. Omerta. On pilonne ; on pilonne la Côte d’Ivoire devenue lieu de vidange de la puissance meurtrière venue de France. Et plus rien pour restreindre cette folle volonté de toute puissance. Plus rien. Folie de grandeur déchainée.

Hurlements : « Mais attendez ! Nous sommes en mission de défense de la démocratie en Côte d’Ivoire et on nous accuse ? Comment ? Nouvelle guerre coloniale ? Mais renseignez-vous : la France a un mandat moral ; elle a bombardé sur demande expresse des Nations Unies ! Nous sommes en mission de défense de la morale internationale ! » Et on s’écrie : « Et qu’aurait-t-elle donc de si barbare cette mission ? Qu’y a-t-il de si barbare à bombarder pour la démocratie ! »

La cruauté légitimée, glorifiée au nom de la défense d’une idée : la démocratie ! On s’arroge le droit, le plein droit de tuer au nom de la démocratie. Le droit de tuer au nom de la démocratie érigé en honneur national ! « La France est de retour sur la scène internationale ! » Prestance internationale ! Estime de soi rehaussée par la pluie de bombes balancée sur Abidjan ! Narcissisme collectif ; narcissisme groupal, national, partagé, exalté. Le prestige international de la France ! Délire de puissance. Crimes sans culpabilité !

Abidjan bombardée ; il faut rabaisser, écraser, mettre à genoux la Côte d’Ivoire. Il faut faire exemple. Il faut rappeler la loi à tout le monde : ici en pré-carré, le caïd, c’est Paris ; ici, en pré-carré, le maître, c’est la France. On croyait pourtant cette domination-là révolue ; on la croyait jetée dans les poubelles de l’histoire. Et la voilà de retour dressée sur ses pattes-arrières avec la même arrogance, avec la même monstruosité. La voilà de retour, l’avidité de nouveau palpitante de toute puissance ; la voilà de retour la folie de domination toutes dents dehors ; la voilà proclamant le droit de conquête « devoir de protéger les populations civiles ».

Protéger les populations civiles ! Nouvelle doxa ; nouvelle philosophie humaniste ? Sucrerie sonore ; vieille confiserie empoisonnée qui n’est vocable neuf que pour les sans-mémoires, les amnésiques. « Protéger les populations civiles » est une vieille menterie ressortie des alvéoles nauséabondes de l’histoire. Souvenons-nous : il y a quelques siècles, on appelait déjà expropriation protectorat, razzia protectorat, massacres protectorat.

On était déjà en mission, en devoir de protection des peuples d’Afrique ! Il s’agissait, zézayait-on, à l’époque, de protéger le colonisé contre lui-même, de protéger le colonisé, ce sous-homme, cet arriéré, ce sauvage contre sa propre barbarie ; il s’agissait, zozotait-on, de le soumettre dans son propre intérêt ! Et quand il arrivait que ce colonisé-là, se faisait Samory Touré, Béhanzin ou Tchaka Zoulou pour récuser cette « protection », on le rouait d’insultes et de coups, on le couvrait de tous les crimes du monde, il était aussitôt estampillé chef sanguinaire, chef cruel, despote à éliminer. Déjà ! « Radio Paris » mentait déjà à l’époque. Comme aujourd’hui encore ; comme aujourd’hui de nouveau.

C’est que la chose est de retour. Cette fois-ci au nom de la démocratie. Et on psalmodie : Au nom de la démocratie ! Au nom de la démocratie. Au nom de la démocratie bafouée, il faut libérer Abidjan. Et on bombarde sans retenue ; on bombarde à cœur joie. Il faut libérer. Mais quelle est donc cette libération qui vaut qu’on assassine, qui vaut qu’on massacre, qui vaut qu’on tue ? Quel est ce bien qui vaut licence de tuer ? Qui vaut permis d’écraser ? Quelle est cette libération qui libérerait un peuple en assujettissant son Etat à une domination extérieure ? Quelle est cette libération qui récuse le droit de chaque peuple de fonder sa propre loi ?

La vérité : c’est que la chose est de retour. Déchainée comme autrefois. Du temps des Voulet et Chanoine. Voulet et Chanoine avec leurs colonnes fumantes se disaient, eux aussi, en mission pour le bien suprême ; ils étaient en croisade pour une grande idée, pour une idée absolutisée, pour une idée qui ne pouvait souffrir aucune contradiction ; ils se croyaient, eux aussi, en droit de soumettre, d’écraser tout éventuel obstacle à l’accomplissement de leur haute mission. Incendies, vols, pendaisons, les victimes pendues aux branches des jujubiers. Violence coloniale célébrée. C’était la norme.

Aujourd’hui Paris ne célèbre plus le sang versé des pendus ; Paris célèbre « les frappes chirurgicales », « les frappes ciblées » « les frappes ciblées contre les armes lourdes » ; Paris célèbre les exploits, la grandeur de sa puissance de feu technologique ! Triste spectacle : voilà de nouveau la France la raison politique perdue, la raison politique ballottée par cette brutale et barbare volonté de toute puissance, de domination sans limites ; voilà de nouveau la France, reine du mensonge, reine de la tartufferie.

Voilà revenu le temps de la tartufferie : on parle de droit et on pratique la guerre ; on parle de droits de l’homme et on nourrit, on soutient, on porte à bout de bras une rébellion aux mains dégoulinantes de sang ; une rébellion connue pour sa férocité, sa sauvagerie, sa brutalité sans pareil ; une rébellion qui pille, qui viole, qui massacre depuis bientôt dix ans. On parle de protection des populations civiles et on pilonne, on tue chaque jour.

On parle de démocratie et on écrase la volonté populaire ivoirienne, on refuse le recomptage des voix ; on parle de démocratie et on impose à coups de bombes aux Ivoiriens un Président contesté, rejeté. On parle de liberté de la presse et on pravdise la presse ; on étouffe, on refuse toute information contradictoire sur la Côte d’Ivoire. On institue la vérité officielle en vérité indépassable. Et non sans un certain cynisme, on bombarde Abidjan et on parle de reconstruction de la Côte d’Ivoire ; on détruit, on démolit, on saccage avec acharnement et on dit qu’on reconstruira. Qu’on reconstruira avec les multinationales du chocolat, évidement. Bien sûr ! Triste spectacle ! Mais fort heureusement l’histoire n’est pas finie !

Côte d’Ivoire : l’hiver colonial


Après une semaine de bombardements sur Abidjan et le massacre de milliers de civils, l’État français a capturé Laurent Gbagbo. L'objectif est immuable : contrôler ce pays pétrolier par l'imposition d'une pseudo-démocratie acquise à la spoliation de son riche sous-sol au profit de l'Occident. Se cachant derrière des Nations-Unies à la solde des USA, le shérif français a revalidé un vieux concept nord-américain : la démocratie s'impose de l'extérieur. A coups de trucages électoraux, de propagande médiatique et de missiles dernier cri ! Par ses crimes de guerre en Afrique, la France de Sarkozy est définitivement entrée dans l'Histoire. Comme une puissance coloniale névrosée qui s'accroche « à son rang », en écrasant dans le sang toute velléité d'indépendance ...

Il y a presque un an, la Belgique et la France commémoraient le cinquantenaire des « indépendances » africaines. Le géant Congo-Kinshasa était officiellement à la fête chez les Belges ; 17 pays d'Afrique du Nord et de l'Ouest, chez les Français. En ce triste jubilé, l'omission politique des-vérités-qui-dérangent étaient bien sûr de rigueur. Suivie des habituels mensonges servis au dessert : « Il y a en Afrique toutes les formes de gouvernement. La France n'a pas pour vocation de s'ingérer dans les affaires locales ; elle travaille avec les gouvernements reconnus (...) La relation entre la France et l'Afrique ne serait jamais banale, mais elle est en train de devenir normale » (1) ... Tenus en février dernier par l'ex-ministre UMP Jacques Toubon, ces propos confirment l'ampleur de la déconnexion du personnel politique françafricain. Des mots ubuesques émis tandis que la crise électorale ivoirienne battait son plein, que l’État français - lourdement impliqué dans la partition de ce pays d'Afrique de l’Ouest depuis 2002 - réaffirmait son soutien à Allassane Ouattara et que Sarkozy jouait, sur la scène européenne, le barde des sanctions économiques contre Laurent Gbagbo. En termes de « vocation à ne pas s'ingérer », on allait voir pire et beaucoup plus sanglant.

Cadrage médiatique mensonger

Après trois mois d'intox et d'omissions diverses martelées par les médias-aux-ordres, l'ennemi des espoirs démocratiques africains (2) lançait ouvertement son pays dans une guerre contre la Côte d'Ivoire. Finies les ruses, manœuvres et cachotteries de couloirs : l'agent franco-américain Ouattara risquait de perdre la partie. Comme tous ses prédécesseurs dès qu'il s'agit d'Afrique, Sarkozy s'est également assis sur les prérogatives de son gouvernement et celles des députés de l'Assemblée Nationale.

Premier acte : réarmer et conseiller la rébellion du nord pro-Ouattara afin qu'elle attaque la capitale économique Abidjan. Objectif : renverser par les armes Laurent Gbagbo, président reconnu par le Conseil constitutionnel. La plus haute juridiction ivoirienne inlassablement dépeinte comme un « collectif sous influence » par quelques puissances « démocratiques » d'Occident, autoproclamées « Communauté internationale ». Contrastant avec les médiasmenteurs payés pour minimiser ou absoudre le rôle colonial de la France, l'indépendant Canard enchaîné lâchait le 6 avril : « Selon plusieurs témoignages d'officiers supérieurs au « Canard », la France a appuyé la conquête du sud du pays par les forces de Ouattara. L'un d'eux, proche de l’Élysée, se félicite de 'notre efficacité dans l'organisation de la descente sur Abidjan'. Il est vrai qu'en moins de quatre jours les Forces républicaines de Côte d'Ivoire (FRCI)ont parcouru, sans grande résistance, la moitié du pays. Un autre galonné, membre des services de renseignement, confie  : 'On a fourni des conseils tactiques aux FRCI', mais aussi 'des munitions et des Famas' (fusils d'assaut) » (3).

Deuxième acte : les forces française Licorne - dont l'une des spécialités est de tirer sur des civils désarmés (4) - enchaînait avec le bombardement continu de sites stratégiques d'Abidjan dont la résidence présidentielle. A proximité de laquelle s'était rassemble un millier de civils. Bilan provisoire : plus de 2500 morts (civils et militaires) dans la seule nuit du 4 au 5 avril. Un chiffre qui n'est toujours pas mentionné, repris ou contesté par les médias français. Si « les combats font rage  », il semble « surhumain » d'établir une estimation du nombre de victimes dues aux bombardements français ... A cette nouvelle boucherie made in France s'ajoute celle de Duékoué, commise par la rébellion pro-Ouattara (réarmée par la France). Près d'un millier de victimes abattues ou découpées à la machette. Sans compter le nombre indéterminé de cadavres dans les zones occupées par les rebelles et la force Licorne ; le pillage des banques et du cacao ivoiriens par la force Licorne, etc.

Troisième acte : l'arrestation de Laurent et Simone Gbagbo. Les bombardements préalables ont permis de perforer le bunker présidentiel. Une trentaine de chars encerclent ensuite la résidence présidentielle pendant que trois hélicoptères assurent la couverture aérienne de l’opération. La garde présidentielle décide de se rendre. Les forces spéciales de Sarkozy défoncent le portail de la résidence, arrêtent Gbagbo et le livrent aux rebelles pro-Ouattara. Histoire de tenter d'accréditer une énième mascarade de « non-ingérence française » ...

En s'éloignant des charlatans de « l'intervention humanitaire » et autres « protecteurs des populations civiles », une double question s'impose. Pourquoi cette agression coloniale et pour défendre quels intérêts ? Cette interrogation cruciale bénéficiera-t-elle enfin d'une saine confrontation d'arguments dans les médias occidentaux ?

Les démocrates à temps partiel

Suite à la proclamation des résultats électoraux définitifs par le Conseil constitutionnel ivoirien, le récit médiatique européen de la crise africaine a soulevé une débauche de « complexité ». « Alassane Ouattara, le président reconnu par la communauté internationale » est empêché d'exercer ses fonctions par le « président sortant Laurent Gbagbo qui s'accroche au pouvoir  ». Le « bon » démocrate du FMI contre le « mauvais » tyran d'Abidjan. Cette habituelle diabolisation justifiant l'impérialisme guerrier contredit le discours selon lequel la Côte d'Ivoire demeure un pays souverain et ses Institutions, légitimes. Tout le problème est là. Ajouté au péché originel de toutes les parties d'avoir entériné un processus électoral bancal sans désarmement préalable de la rébellion nordiste. Pour autant, même dans ces funestes conditions, les deux candidats à la présidence ivoirienne ne se sont pas soumis au suffrage d'une pseudo-communauté internationale, mais bien à celui des Ivoiriens et de leur Institutions ...

Lorsque le Conseil constitutionnel n'a pas reconnu Alassane Ouattara comme président, en démocrate cohérent, le candidat malheureux devait se retirer. Son parrain Sarkozy, qui avait lui-même souligné le rôle décisif du Conseil constitutionnel (5), aurait dû, en démocrate cohérent, reconnaître la victoire de Laurent Gbagbo. Enfin, l'ONUCI ne pouvait faillir à son devoir d'impartialité au bénéfice d'Alassane Ouattarra. Mais dès qu'il s'agit de contrôler les richesses de la Côte d'Ivoire, tout ce « beau monde » n'est plus démocrate et retrouve ses pulsions coloniales. Donnant libre cours aux coups tordus, à la propagande et à l'agression militaire d'un pays membre des Nations-Unies. Peu importe qu'en 2000, aux États-Unis, une crise électorale quasiment similaire a conduit la Cour suprême américaine à trancher en faveur de Georges W. Bush. Le candidat malheureux, Al Gore, comme le reste de la planète, se sont incliné. Par souci démocratique pour le premier et parce qu'aucun pays - encore moins l'ONU ! - n'envisagerait de s'ingérer dans les affaires intérieures de la première puissance militaire mondiale.

La crise ivoirienne et l'historique résistance de Laurent Gbagbo ont rendu limpide la détermination criminelle de ce colonialisme prédateur occidental en Afrique. Au-delà des discours et des fêtes hypocrites aux pseudo-indépendances, chacun a pu constater que les règles de souveraineté démocratique sont réservées aux seuls pays occidentaux, riches et surarmés. Et les USA d'Obama veillent au statut quo ! Avec le développement des bases militaires de l'Africom, tandis que les armées françaises se chargeront de bombarder les chefs d’États africains aux velléités d'indépendance.

Des évidences à ce point omniprésentes sur le net que deux médias traditionnels français, LCI et BFM, ont fini par interroger certains analystes et politiques contredisant l'étouffante propagande. Tel l'africaniste Michel Galy qui déclare sur LCI : « Alassane Ouattara est lié depuis 2002 à cette rébellion qui a pris les deux tiers pays et qui instaure un système de racket, de violences continues. Oui, il s'agit d'un régime de la terreur qui prouve, à mon sens, que les élections n'y sont pas valables » (6). En soulignant l'incontestable fraude électorale massive commise au nord, Galy torpille la propagande médiatique décrivant un président injustement floué d'une « victoire démocratique  » par un « dictateur qui s'accroche au pouvoir »



L'émancipation ou l'asservissement

Sur le « rôle ambigu de la France » dans l'arrestation de Laurent Gbagbo, l'ex-délégué à l'Afrique du PS, Guy Labertit tord aussi le cou aux complaisances journalistiques : « Il n'y a hélas aucune ambiguïté : ce sont les rafales des hélicoptères Licorne qui ont mis à mal le portail de la résidence et ce sont des chars français qui sont entrés dans la Résidence. Le général qui a remis son arme, en signe de réédition, l'a remis à un Français de la force Licorne. Donc, il n'y a aucune ambiguïté : ce sont bien les éléments de la Force Licorne qui sont allés chercher M. Gbagbo pour le remettre aux force de M. Ouattara ».

Et le socialiste français d'offrir une lecture chronologique longtemps absente d'antenne concernant le « tyran  » Gbagbo : « Depuis que M. Gbagbo a été élu en 2000, il n'a cessé d'être déstabilisé. Il faut savoir que ceux qui l'emportent aujourd'hui sont ceux qui ont organisé le coup d’État en 2002 et je crois que ceux qui ont pris les armes sont ceux qui ont eu besoin de la France pour aller chercher M. Gbagbo. J'ajoute que si Laurent Gbagbo n'a pas bougé depuis le mois de décembre, c'est parce que ces élections ont été truquées au nord (du pays) et il a raison de dire qu'il n'a pas perdu ces élections. Mais ça, c'est l'Histoire qui le montrera  ». (7)

Hormis un éternel catalogue d'injonctions pénalisantes ou des bombes sur la gueule en cas d'opposition, que peut encore attendre l'Afrique des puissances occidentales (France, UE, USA et ONU) ? Après le hold-up électoral ivoirien ; après ces milliers de civils bombardés et ces nettoyages ethniques encouragés ; après l'humiliante arrestation des époux Gbagbo faisant le tour du monde. Images qui - pour tout africain indépendamment de ses convictions - présente d'horribles similitudes avec celles de l'arrestation de Patrice Lumumba au Congo, il y a un demi-siècle ... Héritière peu repentante de la Traite négrière, actrice d'un interminable colonialisme, assumé ou masqué, la France de Sarkozy est définitivement entrée dans l'Histoire. Et poursuit avec morgue ses mystifications et ses massacres rentables afin de conserver la rente de pillage de son « pré carré ».


Le retour « décomplexé » de l'impérialisme français, avec son maître nord-américain en embuscade, place les Ivoiriens et les populations d'Afrique face à un devoir de lucidité. Avec pour horizon, une seule alternative au regard de siècles d'Histoire. L'émancipation par tous les moyens nécessaires ou la perpétuation d'un asservissement modernisé ? Pour celles et ceux qui aspirent à l'accession d'une indépendance démocratique, garante d'un développement et d'une prospérité économiques, il n' y a plus 36 échappatoires ! Mais un seul chemin. Sur lequel se scande un mot d'ordre révolutionnaire forgé par le peuple tunisien : « Sarkozy, Obama, Ouattara, dégagez d'Afrique ! ».
  1. Le Canard Enchaîné, 6 avril 2011

Les pays du BRICS inquiets pour la Libye


Les dirigeants du BRICS réunis en sommet à Sanya en Chine jeudi 14 avril 2011.
La Chine, le Brésil, la Russie, l'Inde, la Chine et l'Afrique du Sud demandent une solution négociée
A l'issue de leur réunion, à Sanya en Chine, les dirigeants des cinq puissances émergentes du BRICS ont souhaité un règlement pacifique de la crise qui secoue la Libye, ajoutant que le recours à la force devrait être par principe évité.


Selon une source diplomatique, les dirigeants du BRICS ont été plus catégoriques lors de leurs discussions que dans leur communiqué final. "Ils ont tous condamné les bombardements", a-t-on dit de même source.

"Nous sommes profondément préoccupés face à l'agitation au Moyen-Orient, en Afrique du Nord et en Afrique de l'Ouest", disent-ils simplement dans leur communiqué.

Dmitri Medvedev : "l'opération militaire" va trop loin.
Le président russe a laissé entendre devant des journalistes que selon lui l'Otan allait au-delà des initiatives autorisées par la résolution 1973 du Conseil de sécurité des Nations unies.

Cette résolution instaure une zone d'exclusion aérienne en Libye et autorise "toutes les mesures nécessaires" pour assurer la protection des populations civiles face à l'armée de Mouammar Kadhafi.

"Nous avons décidé (...) de fermer l'espace aérien (libyen) et de prévenir une intensification du conflit (...) Et qu'est-ce qu'on a comme résultat ? On a une opération militaire, dont la résolution ne disait rien !", a dit Dmitri Medvedev.

mercredi 13 avril 2011

Doha : Réunion pour soutenir les révoltes du peuple libyen

Le peuple libyen doit avoir les moyens de se défendre, a déclaré le prince héritier du Qatar, cheikh Tamim ben Hamad Al Thani, à l'ouverture de la première réunion officielle du groupe de contact sur la Libye, mercredi, à Doha.
Le Groupe de contact sur la Libye ets réuni à Doha, au Qatar.
Le Groupe de contact sur la Libye ets réuni à Doha, au Qatar.
« Notre réunion a principalement pour but de soutenir le peuple libyen pour qu'il puisse [...] décider de son sort », et de « permettre au peuple libyen de se défendre pour qu'il décide de son avenir », a-t-il lancé.

Le prince héritier n'a pas fait allusion aux propositions visant à armer les rebelles, comme l'ont avancé les Italiens, ou à créer un fonds de financement pour les insurgés, comme le suggèrent à la fois les Italiens et les Britanniques.

Ces sujets seront vraisemblablement abordés au cours de la réunion, qui se met en branle au moment où les divergences entre pays membres de la coalition internationale au sujet des gestes à poser apparaissent au grand jour.

La rencontre du Groupe, qui est coprésidée par le Qatar et le Royaume-Uni, réunit des ministres des Affaires étrangères de pays européens et arabes, le secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon, et des représentants de la Ligue arabe, de l'Union africaine, de l'Union européenne.

Les États-Unis, qui ont cessé de coordonner les frappes militaires en Libye la semaine dernière, n'ont pas dépêché la secrétaire d'État américaine Hillary Clinton. Washington est représenté par d'autres responsables du secrétariat d'État.

Un émissaire du Conseil national de transition libyen, Mahmoud Jibril est aussi à Doha, tout comme l'ex-ministre des Affaires étrangères libyen, Moussa Koussa. Ce dernier s'est rendu au Qatar depuis Londres, où il a trouvé refuge après avoir fait défection. Nul ne sait exactement quel sera son rôle. Les rebelles disent qu'ils refusent de le rencontrer.

Le ministre libyen des Affaires étrangères, Abdellatif Laabidi, n'est pas à Doha. Il s'apprête à se rendre à Chypre, pour y rencontrer son homologue, a fait savoir mercredi un porte-parole du gouvernement chypriote.

Situation humanitaire catastrophique

Ban Ki-moon a affirmé au début de la réunion de Doha que « dans le pire des cas, jusqu'à 3,6 millions de personnes pourraient avoir besoi d'aide humanitaire » en Libye.

« La situation humanitaire continue à se dégrader. Près d'un demi-million de personnes ont quitté le pays depuis le début de la crise [...] et il y a quelque 330 000 déplacés dans le pays.
Divergences de vues

Si les ministres britannique et français des Affaires étrangères ont déclaré mardi que l'OTAN devait en faire plus pour aider les rebelles, d'autres voix se sont élevées pour soutenir le contraire. Le secrétaire d'État espagnol aux Affaires européennes a notamment dit exactement le contraire.

Mercredi, un porte-parole du ministère italien des Affaires étrangères, Maurizio Massari, a déclaré que Rome appuie l'idée de fournir des armes aux rebelles. L'Italie, a-t-il dit, est d'avis que la résolution 1973 du Conseil de sécurité des Nations unies ne l'interdit pas.

Le ministre belge des Affaires étrangères Steven Vanackere, qui représente son pays et les Pays-Bas à Doha, a rapidement répliqué qu'ils n'étaient pas en faveur de cette mesure: « les résolutions de l'ONU prévoient de protéger les populations civiles, mais pas de les armer », a-t-il fait valoir.

Les insurgés libyens peinent à s'imposer face aux troupes kadhafistes
Les insurgés libyens peinent à s'imposer face aux troupes kadhafistes
Malgré la proposition italienne, le secrétaire général de l'OTAN, Anders Fogh Rasmussen, a réitéré à son arrivée à Doha qu'il n'y a « pas de solution militaire » au conflit en Libye. Il a dit espérer que la réunion du groupe de contact puisse « faciliter une solution politique au problème en Libye ».

Rome et Londres proposent par ailleurs d'utiliser les fonds libyens saisis dans différents pays pour financer les rebelles. L'idée a été accueillie froidement par le ministre allemand des Affiaires étrangères, Guido Westerwelle.

« La question financière est cruciale, nous devons prendre de l'argent des avoirs gelés. Nous y sommes favorables et nous le proposerons dans les discussions », a expliqué un responsable du ministère italien des Affaires étrangères.

« Nous voulons une sorte de programme "pétrole contre nourriture", comme en Irak, une sorte de fonds qui détournerait de l'argent des avoirs gelés en direction des rebelles », a précisé ce responsable.

Le ministre britannique des Affaires étrangères, William Hague, a également déclaré à son arrivée à Doha qu'il espère « parvenir à un accord sur un mécanisme financier provisoire dans la région au profit des zones contrôlées par le Conseil national de transition en Libye ».

Il avait auparavant déclaré sur les ondes de la BBC que ce fonds, qui pourrait être financé par les pays du Golfe, était destiné à maintenir les services de base dans l'est du pays contrôlé par la rébellion.

Interrogé à ce sujet, le chef de la diplomatie allemande, Guido Westerwelle, s'est montré sceptique. « La question est: est-ce légal? La réponse, c'est qu'on ne le sait pas. Nous devons voir à qui appartient cet argent, c'est quelque chose dont on devra discuter », a-t-il dit.

À l'instar du secrétaire général de l'OTAN, le ministre Westerwelle soutient qu'il n'y a « pas de solution militaire en Libye ». Il affirme cependant que le dirigeant libyen Mouammar Kadhafi « doit partir », parce qu'il « n'a pas d'avenir en Libye ».

La question de l'avenir du colonel Kadhafi divise aussi les membres du groupe de contact. Les rebelles assurent que son départ et celui de ses fils est une condition sine qua non à tout cessez-le-feu. Cela explique pourquoi ils ont rejeté mardi le plan de paix soumis par l'Union africaine.

La Turquie, qui maintient des relations avec le clan Kadhafi et les rebelles depuis le début du conflit, devrait soumettre un nouveau plan de paix mercredi à Doha.

Du colonialisme version 2.0


Perçue par certains observateurs moins comme la manifestation d’une quelconque continuation d’anciens projets poursuivie par l’administration américaine depuis la fin de la guerre froide que comme l’expression d’un conflit profond au sein des structures réelles du pouvoir aux États-Unis d’Amérique, à même de reconfigurer certains facteurs d’influence et d’interactivité aussi bien au sein des lobbies internes qu’avec ses alliés proches et lointains, la vague de protestations et de troubles secouant des pays arabes et musulmans depuis le début de l’année 2011 semble épouser certains paradigmes géostratégiques majeurs dans cette région du monde et il n’est pas exclu que les objectifs sous-jacents de tels évènements ne visent pas seulement des régimes arabes en état de mort clinique depuis longtemps que des pays émergents ayant le potentiel de se poser en rivaux et dès lors de remettre en cause le système d’hégémonie prévalant depuis 1991. Selon toute probabilité, l’objectif de ce nouvel outil serait la Chine et ses alliés immédiats. Et dans une moindre mesure, la Russie et son voisinage géopolitique.


Le projet du Grand Moyen Orient (GMO) vient de connaître un sérieux revers dans sa nouvelle version Soft revue et corrigée à l’aune des nouvelles technologies d’ingénierie sociale du changement par le bas et le chaos appliquées dans un contexte géopolitique. Le cas de la Libye est de loin le plus symptomatique en ce qui concerne le modus operandi de ces révoltes dont quelques éléments semblent avoir été empruntés aux premiers épisodes de la guerre d’Algérie. Cette dernière est étudiée depuis quelques années par les stratèges du Pentagone et il n’est pas exclu que certains de ces épisodes initiaux aient été l’un des modèles sur lesquels ont été calquées les opérations de sabotage et de tirs sporadiques anonymes au milieu des foules qu’on a vu en œuvre en Libye puis d’une manière bien plus visible en Syrie.
En tout état de cause, ces troubles générés à distance et soutenus par toute une logistique complexe s’inspirent directement de la longue tradition intellectuelle du renseignement occidental en terre musulmane. Même la phraséologie employée est empruntée au langage liturgique musulman (martyrs, « vendredi » de la colère, excommunications télévisée de Chefs d’Etat par des télé-prédicateurs musulmans à la mode évangéliste américaine, etc.)
En tout état de cause, le détournement sémantique des termes propres à la liturgie et la culture religieuse islamique par les révoltes arabes de conception américaine relève des techniques du marketing moderne et viserait en premier lieu de noyer et abaisser le concept spécifique du martyre, naguère réservé aux seuls musulmans morts au Djihad ou en défendant leur pays lors des guerres de décolonisation, et actuellement appliqué à n’importe cas de figure, y compris pour les morts causés par les accidents de la circulation. Et en second lieu, la récupération de la symbolique du Vendredi, l’usage de fausses Fetwas dans le domaine politique, subordonnant la sécularisation de l’Islam à une forme de marchandisation de cette grande religion monothéiste comme le furent les deux autres dans le contexte capitaliste et plus tard de ce que l’on a appelé mondialisation ou globalisation.
Les révoltes de la « rue Arabe » initiées par les réseaux sociaux d’internet, si elles ont abouti à la fuite du président tunisien et contraint à la démission son homologue égyptien sans changer les fondements réels de régimes respectifs, se sont transformées en Libye en opération militaire baptisée « Odyssey Dawn » ou Aube de l’Odyssée. Un nom de code assez riche en symbolismes se référant à la guerre de Troie et à Ulysse, ainsi qu’au commencement d’une grande aventure nouvelle et assez longue. Le président Barack Obama, premier président noir des États-Unis d’Amérique, prix Nobel de la paix, premier président à avoir gagné la présidence des USA en usant d’une manière révolutionnaire des réseaux sociaux est également l’un des très rares présidents de ce pays à déclencher une guerre contre un pays du tiers-monde ne représentant aucune menace pour les intérêts stratégiques de l’Amérique et de l’Europe sans passer par le Congrès et en contradiction totale avec l’opinion publique américaine dont la voix ne semble plus compter à Washington depuis longtemps.
Les États-Unis d’Amérique sont désormais engagés dans cinq conflits avec le monde musulman, suivant un axe s’étendant des confins Sino-afghans au désert de Libye en passant par l’Hindu Kouch, les zones tribales du Pakistan septentrional, l’Irak, le Liban, le Yémen, la Somalie, le Soudan et la Libye.
L’opération « Odyssey Dawn » n’a pas manqué de susciter des critiques aux États-Unis, pays où l’on croyait toute forme de résistance comme définitivement anéantie. Le retrait US des bombardements et la prise du commandement des opérations militaires en Libye à l’OTAN (Organisation des pays de l’Atlantique Nord) sous le nom de code « Unified Protector » a coïncidé avec l’avènement futur d’enjeux électoraux pour l’actuel président US. Ce retrait tactique a mis en difficulté ses alliés français et britanniques lesquels n’ont pas les capacités nécessaires pour fournir un effort militaire soutenu en Libye. D’autant plus que les forces armées libyennes loyalistes ont été contraintes de recourir à une forme de guerre asymétrique en se fondant parmi les populations et évoluant parfois avec l’ancien pavillon monarchiste. D’où les bavures des avions de l’OTAN durant lesquels des colonnes motorisées et quelques jours plus tard blindées des forces rebelles furent bombardées par les forces de l’OTAN.
Ces épisodes assez fréquents en Afghanistan où cette organisation vieille de plus d’un demi-siècle est enlisée et risque de perdre sa raison d’être, semblent être devenus tellement courant que son secrétaire général, le danois Rassmussen, réputé très proche des cercles d’affaires et de la finance transnationaux, a rejeté avec mépris toute forme d’excuse aux rebelles libyens.
Dans un monde Arabe en pleine stagnation depuis plus de cinquante ans, où le concept d’Etat est en faillite et dont la gouvernance relève plus du lien tribal et clientéliste que de la gestion politique moderne, où la jeunesse représente la majeure partie de la population, le choc de la modernité induit par une mondialisation effrénée a conduit à une cassure nette entre des segments entiers de la population. Les jeunes revendiquent ouvertement le même style de vie néo-libéral que celui promu par les médias dominants de la planète. Le culte de l’argent s’est substitué comme ailleurs à tous les cultes. Par-dessus tout, le nivellement par le bas du niveau intellectuel marqué par l’absence totale d’esprit critique, l’affaiblissement, voire la disparition des idéologies de combat et l’apathie générale pour la Rex Publica permettent toutes sortes de manipulations. Ce que quelques régimes arabes fossilisés n’ont pas manqué de faire, sans grand succès.
Dorénavant, les jeunes Arabes sont plus perméables et plus adhérants à un discours américain adapté à leurs spécificités culturelles que ne l’est un logo de Coca-cola arabisé dans leurs pays. De Facto, les médias dominants de la planète gouvernent les populations Arabes en passant au dessus de leur États. Ces derniers n’ayant plus aucun monopole : ni celui de la violence légitime (un des critères du pouvoir selon Max Weber), encore moins du discours. Ainsi, pour bon nombre de jeunes des pays arabes qui ne disposent d’aucune perspective historique et manquant de repères, un passage de leur pays sous contrôle occidental serait une chose préférable, voire souhaitable pour leur bien-être individuel. Une hérésie pour ceux qui ont survécu à une certaine période marquée par les luttes pour l’indépendance et le combat contre le colonialisme. Évidemment, ce combat est considéré par les jeunes et moins jeunes comme suranné, dépassé et sans aucune importance à l’ère d’internet, de Facebook, du fast-food , de l’Islam néolibéral consumériste, du tout-facile et du formatage pro-occidental de chaînes au contenu non neutre telles celles du bouquet MBC (Middle East Broadcasting Corporation)
L’invasion de l’Irak a permis aux américains de disséquer les ressorts cachés d’une société arabe complexe et hétéroclite. Plus encore, l’occupation de l’Irak a ouvert la voie à toutes sortes d’expérimentations biologiques et génétiques sur des prisonniers (en violation flagrante du droit humanitaire international et des règles élémentaires de l’éthique) ainsi que des expériences comportementales interdites au sein d’une société éclatée et aux structures détruites. Un peu plus à l’ouest de la Mésopotamie, les palestiniens subissant les effets d’une acculturation forcée avec les israéliens, ont été profondément étudiés sous tous les angles.
La campagne militaire contre Tripoli avec laquelle les États-Unis d’Amérique étaient déjà entrés en guerre dès leur indépendance en 1776, est depuis le début sous commandement américain. Carter Ham, commandant de l’Africom et Samuel Locklear. Cela pose de sérieuses questions sur les objectifs non déclarés de l’Africom, que la Libye n’a cessé de s’opposer à sa présence sur le sol africain et que son site présente presque comme une ONG d’aide humanitaire.
Les pays ayant enclenché des attaques aériennes sur la Libye veulent à tout prix faire croire que les rebelles libyens de Benghazi et de Derna vont finir par obtenir une victoire militaire contre le régime de Tripoli par leurs moyens propres et sans l’aide de personne. Ce que la réalité du terrain dément puisque même en formant des bataillons de chars (grâce à l’aide de conseillers américains, britanniques et français ; d’instructeurs égyptiens, jordaniens et africains) et en recevant une aide militaire intense sous couvert de l’humanitaire, les rebelles sont loin de pouvoir s’imposer sur le terrain des opérations.
Le nombre de rebelles photographiés par les agences de presse mondiales en train de parader avec des fusils d’assaut FN FAL (variante 7.62 mm) flambant neufs (arme absente de l’inventaire des armes d’ordonnance de l’armée libyenne) n’a pas été sans susciter beaucoup de doutes chez nombre d’observateurs quant à la nature des chargements « humanitaires » que les avions du Qatar, des UAE et les bateaux français, britanniques et autres font parvenir en Cyrénaïque.
Quels que soient notre perception des évènements en cours dans un certains nombre de pays arabe et au-delà de notre soutien à tel ou autre camp, il demeure de plus en plus évident que les pays ayant connu des troubles à l’ordre public étaient paradoxalement moins susceptibles d’en connaître que la plupart des pays d’Europe occidentale et d’Amérique du Nord, lesquels vivent une période de crise économique et financière assez grave. Après l’Islande, la Grèce, l’Irlande et le Portugal, c’est l’Espagne et même la France qui seraient menacés de faillite économique.
Plus prosaïquement, la campagne militaire contre la Libye n’est pas sans rappeler comme un lointain écho l’étrange huitième croisade contre Tunis au treizième siècle. Si cette dernière, déclenchée pour des raisons économiques (non paiement d’un tribut suite à un changement de dynastie en Sicile et soutien actif de Tunis à l’ancienne dynastie) s’est terminé sans aucun résultat, la présente guerre contre la Libye, déclenchée pour des raisons économiques sur fond de revanche contre un régime dont les agissements et l’idéologie n’ont cessé de narguer les véritables tenants de l’ordre international, risque fort d’aboutir à une énième sécession d’un État africain, sinon une nouvelle zone de tension permanente.
Les forces de l’alliance internationale, agissant sous couvert des résolutions 1970 et 1973 du Conseil de Sécurité des Nations Unies, éprouvent un certain embarras devant l’éventualité d’un changement de régime en Libye par la force militaire et sans aucun apport des rebelles. Ces derniers ne veulent d’ailleurs aucunement être privés de ce crédit, ce qui aurait pour conséquence de rendre caduque et non avenue toute référence à une quelconque révolution. C’est ce scénario qui a mis en échec le cycle de révoltes et de protestations dans le monde Arabe tel que conçu initialement.
D’une manière tout a fait inattendue, le régime de Tripoli, malgré sa faiblesse manifeste en matière de défense, a non seulement pu absorber le premier choc des raids aériens doublés de tirs de missiles de croisière mais pu manœuvrer en usant de méthodes de guerre asymétrique rendant une issue rapide du conflit assez incertaine et lointaine. Pour pallier à cet inconvénient majeur, les forces de l’alliance ne pouvaient recourir qu’à un nombre limité d’options : soit armer et équiper les rebelles tout en leur garantissant un entraînement assuré par des instructeurs étrangers, soit envisager une intervention directe au sol avec une montée en puissance assez discrète pour que le crédit d’une victoire militaire de la rébellion ne soit entaché d’aucune critique.
On assista dès lors au début d’une sorte d’un scénario à l’afghane : détruire les capacités militaires de l’Etat pour permettre à la rébellion de prendre le dessus. Dès les premiers jours de l’insurrection libyenne, les médias parlaient déjà de la marche des rebelles armés sur le bunker du Colonel Kaddafi alors que plus de 1000 Km séparent les villes de Tripoli et de Benghazi, fief et siège de l’insurrection. Après cinq allers –retour des rebelles entre les villes d’Ajdabia et les faubourgs éloignés de Syrte, les forces loyalistes arrivent rapidement à faire reculer les rebelles jusqu’à leur fief de Benghazi tout en tentant deux débarquements de troupes dans la ville de Misrata où des rebelles se sont solidement retranchés. Ne serait-ce l’intervention occidentale, les troupes loyalistes auraient pu prendre Benghazi avec une facilité déconcertante. Le risque était élevé pour les « conseillers » américains, britanniques, français, hollandais et autres présents à Benghazi et à Tobrouk sous divers couvertures d’ordre humanitaire (l’approche des forces libyennes aurait fait fuir des équipes de la Croix rouge internationale, ce qui demeure assez énigmatique).
A posteriori, les raids aériens déclenchés le 19 mars 2011 par les pays de l’alliance ont promptement réduit au silence les radars du système de la défense aérienne du territoire de la Libye mais n’ont pu détruire la totalité des capacités militaires de Tripoli. Par-dessus tout, les forces rebelles ne parvenaient pas à exploiter le soutien aérien tactique des avions de la coalition agissant sous prétexte d’établir une zone d’exclusion aérienne (NFZ). Un soutien aérien occidental aux rebelles parmi lesquels beaucoup d’islamistes armés et d’anciens internés de Guantanamo était de l’ordre de l’impensable à une époque où certains États européens ont fait de l’islamophobie une idéologie quasi-officielle.
L’intervention des Fairchild Republic A-10 Thunderbolt II, ‘tueurs de chars’ tirant des munitions à l’uranium appauvri ainsi que de Bombardiers stratégiques B-1B et B2 Stealth conjugués à la présence au sol de pointeurs au sol du Close Air Support travaillant en étroite collaboration avec les rebelles pour la désignation, l’acquisition et le pointage des cibles n’ont pas constitué des éléments décisifs pour une prompte victoire des rebelles sur le terrain mais leur ont permis de garder des positions. .
La désorganisation des rebelles et leur hétérogénéité a contraint les stratèges américains à revoir leur copie. La guerre est confiée à l’Otan. Ce dernier coutumier des bavures et autres dommages collatéraux sur le théâtre afghan, a commencé sa mission sur des bavures induites par l’adoption des forces libyennes loyalistes de nouvelles tactiques de feinte en faisant fondre des militaires en civils au milieu des zones nominalement sous le contrôle des insurgés et en combattant sous pavillon monarchiste. Cependant, la réduction des moyens navals du gouvernement et la suppression de la défense aérienne a permis aux forces de la coalition d’établir une tête de pont à Misrata via la mer et à acheminer du matériel, des armes et des munitions aux rebelles qui y sont retranchés depuis le début du conflit.
Si le conflit libyen fait indubitablement l’objet de grandes controverses, voire d’une nette opposition de la part de nombreux citoyens américains et européens, ce n’est pas le cas dans certains pays arabes du levant et du Golfe arabo-persique ou du moins au sein des minorités au pouvoir dans certains de ces pays. Le cas du Qatar, bien plus que les Émirats Arabes Unis, semble plus que symptomatique puisque il est l’un des rares pays arabes à se poser en belligérant direct dans le conflit libyen. Au point où certains puissent parler d’une guerre en cours entre la Libye et le Qatar, ce dernier étant soutenu par la France, le Royaume Uni et les USA. Ce qui n’est pas sans évoquer un parallèle avec le précédant conflit armé entre l’Irak de Saddam Hussein et le Koweit.
Parmi les anecdotes peu anodines de ce conflit, on ne peut ne pas retenir l’action du royaume du Danemark, lequel n’entretient plus de relations diplomatiques avec Tripoli depuis l’affaire dite des caricatures. L’action des six F-16 danois déployés dans le cadre de l’opération Odyssey Dawn fut l’une des plus offensives en termes d’objectifs puisque l’un des raids danois avait pour but d’écimer le régime de Tripoli tandis que d’autres ont visé des rampes mobiles de lancement de vieux missiles balistiques de courte portée de type Scud B. Certains observateurs n’hésitent pas à qualifier cet activisme déployé par un État dont les relations intenses avec les puissances de la finance transnationale ne sont un secret pour personne de véritable revanche.
Pour la France, cette guerre est une en retard. C’est celle d’une guerre du lobby sioniste dont la force ne cesse de s’affirmer sur la scène politique française depuis de nombreuses années. C’est aussi une petite revanche sur l’histoire. Suez en 1956 mais surtout la guerre d’Algérie, terrible conflit ayant frappé la France officielle d’amnésie collective durant des décennies et dont la fin un certain 19 mars 1962 a laissé de très profondes séquelles en Algérie et au Maghreb. Cet activisme militaire français renoue avec une longue tradition d’un pays au lourd passif colonial et contraste d’autant plus que le voisinage géopolitique de la Libye est marqué par un silence de cimetières. La Tunisie de l’après Benali vit une période critique et entretient des rapports jugés difficiles avec la Libye. L’Algérie observe un mutisme lourd de sens mais vacille entre colère et impuissance, a fortiori que les évènements de Libye touchent directement non seulement sa sécurité mais également ses intérêts stratégiques suprêmes. L’Egypte est dirigée par une junte militaire dont les décisions et les actions ne sauraient diverger des injonctions de Washington malgré l’opposition d’un grand nombre d’égyptiens à l’intrusion des puissances impérialistes et coloniales en Libye. Pour le Tchad, le Niger, le Mali et la Mauritanie, pays qui rejoignent la position algérienne, la décomposition de la Libye aura des graves conséquences sur l’ensemble de la sous-région, dont le renforcement des capacités militaires de l’AQMI dont le président tchadien prédit qu’elle sera sous peu de temps la première armée de la région du Sahel.
Cependant, de nombreux observateurs s’accordent sur la subordination des anciennes puissances coloniales que sont le Royaume Uni et la France aux intérêts géostratégiques US. De ce point de vue, ces deux pays ne seraient que des sous-traitants tardifs, faute d’une perception anticipée du changement de paradigme en matière de stratégie d’une politique américaine (il serait plus adéquat de dire que les États-Unis sont toujours en avance d’une révolution).
Le conflit libyen, loin d’affirmer le retour de deux anciennes puissances coloniales après le fiasco de Suez (1956) ne fait en fait que les isoler au sein d’une Europe aux frontières nouvelles dont laquelle l’Allemagne ne compte pas se complaire à y jouer un rôle mineur ou se cantonner dans le rôle d’un pourvoyeur de fonds.
Les positions de la Chine et de la Russie en ces temps de révoltes spontanées sur commande sont des plus intéressantes. Si la Chine n’a pas utilisé son véto lors du vote de la résolution 1973, c’est moins par souci de ne pas heurter les pays du Golfe producteurs d’hydrocarbures que par une crainte inexprimée d’un ciblage utilisant des moyens inédits et innovant en matière de déstabilisation des foules. Pour la Russie, la schizophrénie délibérée du gouvernement russe exprimée par les déclarations contradictoires du tandem Medvedev-Poutine paraît moins comme une parade intelligente que comme un brouillage de position à destination des occidentaux et des pays du Golfe arabo-persique.
Dans les deux cas, ces deux grandes puissances prennent acte du changement inquiétant dans la gestion des affaires internationales marquée par un usage de plus en plus toléré, voire légitimé de la violence et de l’agression par des instances internationales de plus en plus aux ordres des tenants du nouvel ordre mondial. Il ne fait aucun doute que des pays comme le Belarus dans le voisinage de la Russie ou le Myanmar et la Corée du Nord dans le voisinage de Pékin sont dans le collimateur direct des instigateurs de changement de régime.
Le nouveau rôle de l’organisation des Nations Unis en tant qu’instrument servant l’hégémonie de certaines puissances et l’attitude effacée à la limite de l’invisibilité de son secrétaire général, le sud-coréen Ban Ki Moon, confortent les thèses des partisans-et ils sont assez nombreux- des théories du complot aux États-Unis et de tous ceux qui la perçoivent comme un simple instrument du nouvel ordre mondial visant la destruction de l’humanité. Cette attitude est d’autant plus incompréhensible que le fonctionnement de cette institution est loin d’être démocratique.
Dans cette tempête secouant l’Afrique du Nord et le Moyen-Orient et dont les pays d’Afrique subsaharienne ne seront pas à l’abri (troubles au Burkina Faso et intervention militaire française en Côte d’Ivoire) seul Israël semble à l’abri. Un appel à la troisième Intifada lancé à partir de Facebook, l’un des vecteurs des révoltes arabes, idée qui a rassemblé presque un demi-million d’approbations a vite été supprimé par l’administration du site. Une démarche contre la liberté d’expression prônée par le réseau social intervenue dans un contexte tendu marqué par le ciblage de la Syrie et l’usage de cette dernière de ses leviers de pression à Gaza et en Irak. Israël, dont les dirigeants ont publiquement annoncé peu de temps avant le début du cycle des révoltes arabes qu’ils ont reçu l’assurance que la sécurité de leur pays ne sera pas mise en péril par la nouvelle stratégie est pour l’instant le seul État à qui profite l’anarchie rampante de son environnement régional et au-delà. Pourtant, s’il y a bien une région du monde où le besoin d’une révolution est plus qu’impérieux, c’est bien la Palestine/Israël.
Néanmoins, le plan s’est enraillé en Libye, stagne au Yémen et a failli dégénérer au Bahrein. Sa mise en application en Syrie met en péril la sécurité d’Israël si elle est mal maîtrisée. Intrinsèquement faibles et désorganisés, aucun pays arabe ne semble à l’abri de cette nouvelle déferlante apparentée à un néo-colonialisme dans sa version 2.0.
Sauf que cette fois, c’est l’ensemble des pays de la planète qui sont sommés de se soumettre de gré ou de force au nouvel ordre néolibéral et au diktat politique du marché dans sa version la plus radicale. Un nouvel ordre totalitaire sous couvert de libertés doit régner de Tanger à Bandar Abbas. Malheur à celui qui passerait outre.