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mardi 12 avril 2011

Libye : le cessez-le-feu de l'Union africaine dans l'impasse

Le leader libyen à l'ouverture du sommet de l'Union africaine, dont il a été élu président pour un an en février 2009.


Il aura fallu attendre près de trois semaines. Vingt-trois jours après le début des frappes aériennes de la coalition en Libye, l'Union africaine (UA) est sortie de son silence pour tenter une percée diplomatique. Lundi 11 avril, la délégation de l'UA dépêchée à Tripoli a annoncé que Mouammar Kadhafi avait accepté la "feuille de route" susceptible de trouver une issue pacifique au conflit en Libye.

L'espoir d'un cessez-le-feu immédiat a été de courte durée. Quelques heures plus tard, la rébellion a rejeté toute médiation ne prévoyant pas un départ de du Guide de la révolution libyenne. "L'initiative qui a été présentée aujourd'hui est dépassée. Le peuple réclame le départ de Mouammar Kadhafi et de ses fils", a déclaré le chef des insurgés, Moustapha Abdeljalil.

Le départ de Kadhafi en question
La "feuille de route" de l'UA prévoit un cessez-le-feu immédiat, l'acheminement de l'aide humanitaire, la protection des étrangers, le dialogue entre toutes les parties libyennes et la mise en place d'une période de transition, avec pour objectif l'adoption et la mise en place des réformes politiques nécessaires. Mais aucune mention n'a été faite au départ du Guide, au pouvoir depuis 1969.

Et c'est sur ce point précis que les discussions achoppent jusqu'ici, explique Saïd Haddad, chercheur associé à l'Institut de recherches et d'études sur le monde arabe et musulman et spécialiste de la Libye. "Les insurgés réclament le départ de Kadhafi et de ses fils, et ils n'ont jamais dévié de cette ligne. Ils réclament également la liberté d'expression et de manifester sur tout le territoire. Or on voit mal le régime actuel mener le pays vers une transition démocratique."

L'OTAN semble sur la même ligne et a jusqu'ici fait preuve de prudence face à la médiation de l'UA, soulignant que "tout cessez-le-feu" devrait être "crédible et vérifiable". L'Alliance atlantique réclame par ailleurs pour arrêter ses raids que le cessez-le-feu favorise "un processus politique visant à appliquer les réformes politiques nécessaires et à satisfaire les désirs légitimes de la population libyenne". Autrement dit, qu'il débouche sur l'éviction du colonel Kadhafi et une démocratisation du pays, une exigence qui ne figure pourtant pas dans la résolution 1973 du Conseil de sécurité de l'ONU autorisant le recours à la force.

Un espoir de cessez-le-feu ?
Pour Didier Billion, chercheur à l'Institut de relations internationales et stratégiques et spécialiste du monde arabe, la proposition de l'UA arrive cependant à point nommé. Critiquée pour sa lenteur, son inefficacité chronique et son silence depuis le début du conflit, l'organisation a cette fois fait preuve d'un vrai "sens du timing", estime-t-il. "Tout le monde constate un risque d'enlisement. Il est aujourd'hui temps d'arrêter les bombardements et d'entrer dans la phase politique. La coalition a sauvé Benghazi il y a trois semaines, et depuis, plus rien. Les bombardements ne pourront pas durer encore plusieurs semaines. L'UA a quelques chances d'accélérer le processus de réflexion menant vers un processus politique, même si on ne peut pas exclure que certains nourrissent l'espoir de sauver Kadhafi."

Autre élément d'espoir : le fait que la médiation soit menée par ses pairs africains, dans le cadre d'une organisation qu'il a lui-même créée, pourrait permettre à Kadhafi de trouver "une porte de sortie honorable", explique Saïd Haddad. "Il serait paradoxal que Kadhafi, qui a toujours milité pour que les Africains résolvent les problèmes des Africains, offre son premier succès diplomatique à l'Union africaine", souligne-t-il.

Le "syndicat des chefs d'Etat" et le "roi des rois"
Partisan des Etats-Unis d'Afrique, Kadhafi a été l'un des grands artisans de la transformation de l'Organisation de l'unité africaine en Union africaine en 2002. Mais l'UA, paralysée par les intérêts des chefs d'Etat qui la composent, n'est pas parvenue à se débarrasser du surnom dont était affublé son ancêtre – le "syndicat des chefs d'Etat africains" – et à s'emparer des problèmes du continent.

Champion du panafricanisme, le Guide hérita lui aussi d'un surnom lorsqu'il fut élu à la tête de l'organisation pour un an en février 2009. Il fit alors passer à ses pairs un message demandant à être officiellement appelé "roi des rois traditionnels d'Afrique".

Chef d'Etat visionnaire pour certains de ses voisins, paternaliste encombrant pour d'autres, le "roi des rois" jouit donc d'une certaine aura auprès de ses voisins. C'est sous sa tente qu'il a reçu ses invités du jour, les présidents Jacob Zuma (Afrique du Sud), Amadou Toumani Touré (Mali), Mohamed Ould Abdel Aziz (Mauritanie) et Denis Sassou Nguesso (Congo), ainsi que le ministre ougandais des affaires étrangères, Henry Oryem Okello.

Kadhafi entretient de bonnes relations avec la plupart des membres de la délégation de l'UA. Certains pour des raisons historiques (il fut l'un des plus fidèles soutiens de l'ANC pendant l'apartheid en Afrique du Sud), d'autres en raison de leur longévité au pouvoir (Denis Sassou Nguesso), de leur dépendance vis-à-vis des investissements libyens (Amadou Toumani Touré) ou de leur conception commune de la démocratie (Mohamed Ould Abdel Aziz est arrivé au pouvoir à la faveur d'un coup d'Etat).

Des amitiés anciennes qui n'ont pas manqué d'éveiller la suspicion des insurgés, le Conseil national de transition soupçonnant l'UA d'être du côté du régime de Tripoli. "La composition de cette délégation n'est peut-être pas la plus à même de comprendre l'évolution en cours en Libye", souligne Saïd Haddad.

Pourquoi l'UA a tardé à réagir
Pour Dominique Bangoura, présidente de l'Observatoire politique et stratégique de l'Afrique et auteur de deux ouvrages sur l'UA, la réaction de l'organisation est de toute façon trop tardive. Paralysée par ses contradictions internes, l'UA, qui compte une cinquantaine de pays, n'a jamais condamné fermement les agissements de Kadhafi.

Le 10 mars, le Conseil de sécurité et de paix de l'organisation avait rejeté toute intervention extérieure, demandé que les aspirations du peuple libyen soient prises en compte et proposé sa médiation. Une proposition balayée par la décision de Paris, Londres et Washington de privilégier l'option militaire. L'UA, qui avait prévu d'envoyer mi-mars une mission à Tripoli pour trouver une solution négociée, a été prise de court par le vote le 17 mars de la résolution 1973.

Convié à la conférence de Paris du 19 mars, puis de Londres dix jours plus tard, Jean Ping, le président de la Commission de l'UA, n'avait pas fait le déplacement, refusant d'y faire de la figuration. Pour Alpha Condé, premier président démocratiquement élu de Guinée, "l'Afrique a été méprisée" par les puissances occidentales qui n'ont pas consulté l'UA avant le déclenchement des frappes.

Les Africains divisés
Mais la paralysie de l'UA est avant tout liée aux sentiments pour le moins partagés qu'inspire Kadhafi aux autres chefs d'Etat africains. Ses tentatives, à la tête de l'UA, pour accélérer l'intégration africaine se sont heurtées à de violentes oppositions, et son élection elle-même à la tête de l'organisation avait été source de vives tensions.

Si le comité de l'Union africaine sur la Libye s'est dit officiellement hostile à l'intervention militaire, les dirigeants africains sont en réalité divisés sur le sujet. Trois Etats du continent siégeant en ce moment au Conseil de sécurité (Afrique du Sud, Nigeria et Gabon) ont ainsi voté en faveur du recours à la force.

Kadhafi suscite autant d'admiration que de crainte sur le continent qu'il a rêvé de diriger. Profitant de la manne pétrolière, le colonel s'est ménagé de nombreux soutiens. La Libye investit plus d'un milliard d'euros par an (hôtels, banques, domaines fonciers, mines) dans des pays comme le Ghana, le Nigeria, le Niger, le Tchad, Madagascar, le Cap-Vert ou l'Ouganda. Selon le New York Times, il contribuerait en outre à hauteur de 15 % au budget de l'UA.

Mais ses voisins nigériens, tchadiens et soudanais redoutent l'ombre menaçante du "roi des rois" et seraient soulagés de le voir partir. Ils craignent notamment que le colonel ne réactive des rébellions qu'il a longtemps soutenues dans la région, ou ne manipule les islamistes d'Al-Qaida au Maghreb islamique.

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