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Citation du jour : "Quiconque nie l'autorité et le combat est anarchiste." [Sébastien Faure]

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samedi 23 juillet 2011

La Bataille des Trois Rois

Fichier:Lagos46 kopie.jpg


La bataille des Trois Rois eut lieu le lundi 4 août 1578 sur les rives de l'oued Makhazen près de la ville de Ksar el-Kébir dans le nord du Maroc, entre d'une part les armées musulmanes du sultan marocain Abu Marwan Abd al-Malik, comprenant des cavaliers marocains, des artilleurs turcs et des arquebusiers andalous (castillans) et, d'autre part, l'armée « chrétienne » commandée par Sébastien Ier, roi du Portugal et des Algarves, incluant l'Algarve d'Outre-mer, c'est-à-dire le Maroc Portugais, et celle de Moulay Mohammed, le sultan du Maroc déposé par Abu Marwan Abd al-Malik, et comprenant également des mercenaires italiens, allemands et flamands.
Le roi de Portugal avait été appelé à intervenir dans la guerre civile marocaine : il était venu au secours de son allié, le sultan Moulay Mohammed, detrôné en 1576 par Abu Marwan Abd al-Malik, soutenu par les Turcs. Ces derniers, ennemis des Portugais en Orient depuis 1498, ouvrirent ainsi un deuxième front entre l'Empire ottoman et l'Empire Portugais.
Cette bataille se solda par une victoire nette du sultan Abu Marwan Abd al-Malik et du parti turc, mais ces trois rois y trouvèrent la mort.
Elle est aussi connue en tant que « bataille de l'Alcazar Kébir », orthographiée de différentes façons : « bataille d'Alcácer-Quibir » (en portugais), « bataille de l'Alcácer Quibir » (en français), et « bataille d’Alcazarquivir » (en langue castillane).


Contexte :

La lutte contre l'expansion turque et la guerre de course de leurs alliés barbaresques en Mediterranée avait déjà donné lieu à plusieurs actions militaires de Charles Quint et Philippe II, avec l'aide navale décisive espagnole et vénitienne, notamment à la bataille de Lépante.
Pourtant, à l'entrevue diplomatique de Guadaloupe, en Castille, entre Dom Sebastião et son oncle, Philippe II, celui-ci lui refusa son aide militaire pour une nouvelle intervention contre la Turquie et ses alliés, cette fois-ci au Maroc.
Les États portugais, tout au long de la deuxième partie du XVIe siècle, n'ont pas cessé de demander au roi de passer en Afrique pour terminer la conquête de l'Algarve d'Outremer, et sécuriser ainsi la navigation des navires revenant de l'Inde portugaise, en confinant les corsaires et la navigation turque en Méditerranée. En effet, la conquête progressive du Maroc depuis 1415 était considérée comme la deuxième partie de la Reconquête, terminée en 1249 avec la conquête de Faro.


Préparatifs :

Fichier:Maroc Alcacer Quibir (El- Ksar), les rives de l'oued Loukkes.jpg

Refusant les conseils de son oncle de ne pas partir en guerre, en 1578 le roi Sébastien Ier, âgé de vingt-quatre ans, rassemble dans le port de Lagos, la plus grande baie portugaise, capable de rassembler toute la flotte portugaise en eaux profondes, une armée chrétienne forte de seize mille hommes capable de conquérir le Maroc, de remettre son allié sur le trône, et de fermer ce pays et le détroit de Gibraltar, qu'il contrôlait déjà avec Ceuta, et ainsi stopper l'expansion militaire continentale vers l'Atlantique de l'Empire ottoman. L'armée portugaise comptait aussi de nombreux mercenaires allemands, italiens et castillans.

El Kasr El-Kébir, rives du Loukos (ou Loukkes)
À Tanger, l'attend Akil qui, chassé du trône marocain par son oncle, espère le regagner grâce au soutien des Portugais. Les Portugais avaient conquis depuis 1415 toutes les places fortes côtières atlantiques et leur arrière-pays : Ceuta, Tanger, Mazagan, Asilah, Álcácer-Ceguer, etc. Partis de Lisbonne le 24 juin, ils s'arrêtent à Tanger, où le roi et le sultan déposé se rencontrent. Sébastien choisit ensuite de faire faire à l'armée le parcours par terre, ce qui épuise ses troupes.
L'armée portugaise commet ensuite l'erreur tactique de s'enfoncer dans l'intérieur marocain, loin du soutien de sa flotte, à la rencontre de son adversaire, Abu Marwan Abd al-Malik. Encombrée par un lourd convoi de charrettes, l'armée portugaise se dirige d'Asilah ou Arzila 1 (ville récemment à nouveau dévolue au Portugal par le sultan détrôné en payement de son aide pour récupérer le trône), vers la ville intérieure marocaine de Larache, commençant l'invasion du sultanat du Maroc, qui occupe à ce moment-là juste la partie intérieure du pays, sans accès à la mer.
Le 3 août 1578, l'armée portugaise campe sur les bords de l'oued Mekhazen, avec la rivière dans le dos et sa droite bloquée par un autre cours d'eau, l'oued Loukos. L'infanterie chrétienne est disposée en carré, avec de chaque côté une ligne de charrettes pour protéger ses flancs, l'artillerie en avant des fantassins et la cavalerie aux deux ailes.
À l'imitation de Dom Sébastien, les Marocains avaient placé leur artillerie sur le front des fantassins et les cavaliers aux ailes.


Déroulement :

La bataille s'engagea le 4 août 1578 au matin. La cavalerie portugaise, le roi à sa tête, commence par enfoncer le centre marocain au cours d’une charge furieuse, et y provoque un début de panique. Mais handicapée par des effectifs trop faibles, elle ne tarde pas à faiblir sous le nombre de ses adversaires. Les Marocains prennent alors l'offensive et le combat devient si violent que l'air fut obscurci par la poussière des chevaux et la fumée des canons.
Abd-el Malek, malade, meurt dans sa litière dès le début du combat. Son chambellan, Redouan, dissimule sa mort et crie aux soldats : Le sultan vous ordonne de marcher contre les Infidèles. D'autre part, Dom Sebastião veut combattre personnellement, et charge en tête de la cavalerie portugaise, qui perd très vite son chef et son commandement, restant désorganisée et confuse. En plus, la multiplicité des langues présentes dans l'armée rendent difficiles les ordres de commandement, dispersés dans la confusion du pêle-mêle.
Moulay Ahmed, très malade, prend alors le commandement, mais son ennemi, attaquant l'arrière de l'armée chrétienne, parvient à s'emparer de son artillerie. Le roi Sébastien avait en effet le commandement en chef, et n'ayant désigné personne pour commander en arrière en dehors de lui, la confusion fut énorme. Accablés, désorganisés, les Portugais sont mis en déroute.
Après avoir un moment cru en la victoire, les 16 000 Portugais sont donc mis en déroute par les 60 000 Marocains.
El-Moutaouakel se noie en voulant traverser l'oued et ses soldats sont presque tous massacrés ou faits prisonniers.


Conséquences :

Disputée entre le monarque et le saint, la mémoire de la bataille des Trois Rois suscite en terre marocaine une pluralité de récits : historiques, hagiographiques, folkloriques. Mais elle ne fait l'objet d'aucune célébration. Seules les communautés juives établies dans le nord du pays et habitées par le ressentiment contre ceux qui les ont expulsées de la Péninsule ibérique fêtent la défaite du roi Sébastien lors du Pûrim de los cristianos, le premier eloul de chaque année. Le texte biblique est mobilisé pour donner la signification de l'événement : la dévastation de la communauté juive de Marrakech par Muhammad al-Mutawakkil est identifiée à la destruction du Temple, le roi Sébastien au Haman du Livre d'Esther qui a décidé l'extermination de tous les juifs 2, sa défaite et l'exécution de ce dernier. Comme Pûrim célèbre l'éloignement de la menace de destruction qui pesait sur Mardochée et les siens, le nouveau pûrim, institué par les rabbins après la bataille de 1578 (5338 dans le calendrier juif), rend grâce à Dieu d'avoir détourné un péril mortel.
Au Portugal, les lendemains de la défaite sont ceux du refus de mémoire. C'est en 1607 3qu'est publiée la première relation en portugais de la bataille qui jusqu'alors n'avait fait l'objet que de textes manuscrits, accusant le roi de légèreté et d'imprudence. Malgré les inhumations réitérées de Sébastien (à Ksar el-Kébir au lendemain de la bataille, à Ceuta, dans l'église des Trinitaires, en décembre 1578, à Belem, dans le couvent des Hiéronymites en novembre 1582), la croyance s'installe que le roi n'a point été tué sur le champ de bataille et qu'il fera retour, restaurant la grandeur du Portugal. Après d'autres, Lucette Valensi s'attache à comprendre le mystère du sébastianisme, ce messianisme puissant et durable qui convertit en mythe central de l'identité nationale le souvenir d'un roi vaincu.
Elle en montre les raisons : l'incertitude sur le sort du roi au soir de la défaite, l'opposition au roi de Castille qui, en 1580, s'est emparé militairement de la couronne du Portugal en empêchant les États portugais de proclamer un héritier(e), l'impossibilité du travail du deuil pour ceux restés en terre africaine.
Le retour attendu, prophétisé du roi, donne force à l'espérance : ceux que l'on dit morts ne le sont peut-être pas, et le royaume ne saurait demeurer longtemps entre des mains étrangères. Elle en marque, aussi, les récurrences : au Portugal où les faux Sébastien se multiplient jusqu'au début du xviie siècle et où la croyance prophétique resurgit dans chaque moment de crise (par exemple dans les années qui précèdent 1640 et le retour à l'indépendance ou lors de l'occupation des troupes napoléoniennes), mais aussi au Brésil où le mythe prend au xixe siècle la dimension d'une protestation sociale et d'une promesse eschatologique.
À noter de plus qu'après la bataille, peu à peu, de nombreux nobles portugais reviennent chez eux, un à un, après le paiement de fortes rançons, qui épuisent le royaume, mais laissent ouverte la porte à l'espoir qu'une rançon sera encore demandée pour le roi, que personne n'ose dire avoir vu mourir. Dom Sebastião, le "Désiré", épithète qu'on lui avait donné dès avant sa naissance, restera le « Désiré » bien après sa mort : la preuve en est que Jean IV de Portugal dut faire promesse solennelle de restituer le trône à Sébastien, en 1640, s'il revenait.
Luís Vaz de Camões écrira dans une lettre à D. Francisco de Almeida, parlant du désastre d'Alcacer Quibir, de la ruine subséquente de la Couronne portugaise, de la menace de Philipe II de Castille sur le Portugal : Enfin, je finirai de vivre et tous verront que j'ai tant aimé ma patrie que je ne me suis pas contenté de mourir chez elle, mais avec elle.




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